
Le Grand Prix de Monaco dans les années 60
Les années 1960 marquent une décennie charnière pour le Grand Prix de Monaco, où se croisent exploits héroïques, drames poignants et évolutions techniques majeures. C’est une époque où les pilotes, véritables gladiateurs des temps modernes, affrontent non seulement leurs adversaires, mais aussi un circuit urbain impitoyable, bordé de rails sans aucune marge d’erreur. Retour sur les moments les plus marquants de cette période légendaire.
Un circuit en évolution : Monaco au cœur des années 60
À la fin des années 1950 et tout au long des années 1960, le Grand Prix de Monaco se dispute sur un tracé légèrement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Le circuit est alors plus court, un peu plus lent, et surtout, il se parcourt dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Ce n’est qu’en 1969 que la version actuelle est adoptée, marquant une étape clé dans l’évolution du parcours monégasque.
Malgré ces différences, l’esprit de Monaco reste le même : un défi extrême pour les pilotes, où chaque virage peut faire basculer une course, voire une carrière.

Au début des années 60, Stirling Moss est le maître de Monaco
Le Grand Prix de Monaco 1960 est marqué par la performance exceptionnelle de Stirling Moss, l’un des pilotes les plus talentueux de sa génération, souvent considéré comme le “meilleur pilote à n’avoir jamais été champion du monde”.
Au volant d’une Lotus 18 privée, engagée par le Rob Walker Racing Team, Moss signe une victoire mémorable. C’est une première historique pour Lotus, qui remporte là son tout premier succès en championnat du monde de Formule 1. Face à des écuries d’usine mieux équipées, Moss démontre qu’un pilote d’exception peut faire la différence, même avec des moyens limités. Son pilotage précis et agressif dans les rues étroites de Monaco impressionne le public et les observateurs du paddock.
Un an après, Stirling Moss réalise un nouvel exploit lors du Grand Prix de Monaco 1961, toujours au volant de sa Lotus 18 privée engagée par le Rob Walker Racing Team. Cette victoire est considérée par beaucoup comme l’une des plus belles performances de sa carrière.
Ce qui rend ce succès exceptionnel, c’est le contexte : Moss doit affronter les surpuissantes Ferrari 156 “Sharknose”, redoutables machines d’usine pilotées par des talents confirmés comme Richie Ginther, Phil Hill et Wolfgang von Trips. Malgré la supériorité mécanique des Ferrari, Moss compense par un pilotage d’une précision chirurgicale, exploitant chaque centimètre du tracé monégasque.
Ce jour-là, il donne une véritable leçon de stratégie et de maîtrise, gérant la pression des Ferrari lancées à sa poursuite sans commettre la moindre erreur. Sa défense héroïque sur un circuit où doubler relève de l’exploit lui offre une victoire mythique, symbole de l’époque où le talent pur pouvait triompher de la puissance brute.

1965 : la folle remontée de Graham Hill
Le Grand Prix de Monaco 1965 entre dans la légende grâce à l’exploit de Graham Hill, surnommé “Mr. Monaco” pour ses performances remarquables en Principauté. Lors de cette édition, Hill connaît un incident qui aurait pu mettre fin à sa course : après avoir manqué la chicane du port, il est contraint de descendre de sa voiture pour la pousser en marche arrière afin de repartir.
Malgré cette perte de temps considérable, Hill entame une remontée spectaculaire à travers le peloton, démontrant un talent et une détermination hors du commun. Il parvient non seulement à revenir dans la course, mais aussi à remporter la victoire, signant ainsi son troisième succès consécutif à Monaco.
Mais cette édition est aussi marquée par un incident spectaculaire : au 79e des 100 tours, le pilote australien Paul Hawkins perd le contrôle de sa voiture dans la chicane et effectue un tête-à-queue avant de plonger directement dans le port de Monaco ! Heureusement, il s’en sort indemne, cet accident venant rappeler la dangerosité extrême du circuit monégasque, où la moindre erreur peut avoir des conséquences spectaculaires.

1966 : seulement quatre pilotes à l’arrivée
Le Grand Prix de Monaco 1966 est l’un des plus éprouvants de l’histoire de la course. La course est marquée par une série d’abandons impressionnante, notamment en raison de problèmes mécaniques et de sorties de piste sur un tracé particulièrement impitoyable.
Au final, seuls quatre pilotes parviennent à franchir la ligne d’arrivée, un record qui reste gravé dans les annales de la Formule 1. Cette situation inédite empêche même l’attribution de l’ensemble des points prévus par le barème de l’époque. Ce Grand Prix illustre à quel point Monaco peut être impitoyable, transformant chaque course en un véritable test de survie mécanique et physique.

1967 : le drame de Lorenzo Bandini
Le Grand Prix de Monaco 1967 restera à jamais marqué par un drame qui a profondément touché le monde de la Formule 1. L’Italien Lorenzo Bandini, alors en lutte pour la victoire derrière Denny Hulme, pousse sa Ferrari à ses limites pendant près de deux heures. À bout de forces, Bandini commet une erreur à la chicane du port, perdant le contrôle de sa voiture qui heurte violemment les barrières.
L’impact est si violent que la voiture prend feu instantanément. Prisonnier de son cockpit, Bandini subit de graves brûlures. Les secours interviennent rapidement, mais malgré leurs efforts, il décède des suites de ses blessures trois jours plus tard.
Cet accident tragique choque le monde entier et suscite une prise de conscience sur la sécurité des courses automobiles. En réponse à ce drame, les organisateurs décident de réduire la longueur de la course, passant de 100 à 80 tours, afin de limiter la fatigue des pilotes et les risques d’accident. Ce changement marque un tournant dans la manière d’aborder la sécurité en Formule 1, notamment à Monaco, où les conditions sont particulièrement exigeantes.

Les années 60 : une décennie de légendes et de défis à Monaco
Les années 1960 ont façonné la légende du Grand Prix de Monaco, mêlant des exploits inoubliables à des drames poignants. C’est une décennie où la bravoure des pilotes côtoie la fragilité de la mécanique, dans un environnement où chaque virage peut être le théâtre de la gloire ou de la tragédie.
Des victoires héroïques de Stirling Moss et Graham Hill aux drames de Lorenzo Bandini et aux accidents spectaculaires comme celui de Paul Hawkins, chaque course a contribué à forger l’aura mythique de Monaco. Ce mélange d’élégance, de danger et de spectacle reste aujourd’hui l’ADN du Grand Prix de la Principauté.